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Tout juste sorti de prison, un truand organise l'enlèvement et la séquestration du commissaire de police qui l'a fait tomber afin de lui soutirer le nom de l'indicateur qui l'a balancé. Il a 96 heures pour tirer les vers du nez de ce fonctionnaire de police intègre et inébranlable. 96 heures, soit 4 jours, le temps d'une garde à vue. Le truand, c'est Niels Arestrup ; le flic, c'est Gérard Lanvin. A partir de ce canevas aussi sommaire qu'original, Frédéric Schoendoerffer tire un polar de très bonne facture qui tient à la fois de l'élégance et de la retenue du film noir et de l'éclat et du rythme de la série « Braquo » dont il a réalisé quelques épisodes.

« 96 heures » repose donc sur l'inversion du rapport de force, le renversement des rôles. Victor Kancel (Niels Arestrup, abonné au rôle du salaud sans scrupules) se plonge avec une délectation vengeresse à peine masquée dans le rôle du flic qui interroge le prévenu. Tous les éléments de la garde à vue sont convoqués : la lumière torve du sous-sol où est enfermé Lanvin rappelle les salles des commissariats, l'intimidation, le chantage, la surveillance vidéo, la médiation de l'avocat... Sauf qu'ici, c'est le truand qui mène la danse, qui maîtrise le temps et le flic qui est acculé.

Petite dérogation : les électrochocs et la menace d'atteindre à l'intégrité corporelle du commissaire, sévices propre aux enlèvements. « 96 heures », peut d'ailleurs, même s'il n'atteint pas - et de loin- sa maestria, rappeler de loin en loin, «Rapt » de Lucas Belvaux auquel Schoendoerffer semble vouloir faire un clin d’œil puisque l'épouse du commissaire Carré joué par Lanvin n'est autre qu'Anne Consigny, qui jouait déjà la femme du simili baron Empain, enlevé dans « Rapt ».

Avec la noirceur et l'application froide, dénuée de complaisances comme de fioritures qui caractérisait déjà « Scènes de crimes », Schoendoerffer met en scène le face à face serré entre un commissaire solide comme un roc, aussi carré que son nom l'indique et un malfrat très sanguin, vaguement humanisé par l'attachement qu'il porte à son petit-fils. Si « 96 heures » creuse volontiers ses personnages, il ne se repaît pas de psychologie mais préfère se reposer sur l'incarnation brute.

Schoendoerffer se plaît à scruter avec sa caméra les visages ravinés et les yeux des comédiens par des gros plans qui contribuent à électriser la tension. Parlera, parlera pas ? Après quelques noms bidons jetés par Carré pour essayer de se tirer d'affaire, Schoendoerffer brouille les pistes, resserre l'étau et maintient son spectateur en haleine jusqu'à la confrontation finale.

Entre recherche de l'indic et quête du magot du braquage qui a fait plonger Kancel, « 96 heures » corsète son intrigue bien ficelée tout en dilatant le suspense, qui culmine dans les dernières vingt minutes. Même si les scènes qui montrent exclusivement les sbires du truand sonnent faux, si le dénouement est assez improbable, cette guerre des nerfs toute en testostérone non sans une présence féminine à l'arrière-plan (Sylvie Testud, impeccable dans le rôle d'une jeune commissaire et Laura Smet) s'avère prenante de bout en bout, grâce à une réalisation au scalpel, dont la rugosité n'a d'égale que la maîtrise.

Entre un cynisme et une cruauté qui menacent à tout instant de dégénérer en barbarie, Niels Arestrup habite le rôle du truand avec la maîtrise qu'on lui connaît tandis que Gérard Lanvin, rompu aux rôles de flic, imprime le polar de sa présence aussi virile que pondérée. Sans être une grande surprise, « 96 heures » est un film noir tiré au cordeau, transcendé par son duo d'interprètes. Une honnête copie dans le paysage moribond du polar français, désormais investi par les séries.

Bande annonce 96 heures (YouTube)

Tag(s) : #polar, #français

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