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Malgré la détestation quasi proverbiale de Moretti pour le cinéma d'Haneke, force est de constater que "Vers un avenir radieux" est à l'œuvre du premier ce que "Happy end" est à l'œuvre du second : une sorte de best-of, de film-somme compilant les marronniers des deux réalisateurs antagonistes. Une telle analogie ne manquerait pas de faire fulminer Moretti, aux côtés desquels je me place résolument concernant sinon la détestation, du moins le peu de goût et d'intérêt pour le cinéaste d' "Amour". Ceci posé, le côté abrégé morettien de son dernier film et les clins d'oeils permanents à son œuvre (le cirque Budavari, la piscine de Palombella Rossa, la référence subreptice à la mort de la mère et la figuration de l'actrice qui l'a incarnée dans "Mia Madre", le défilé des acteurs qui ont peuplé ses films...) font de "Vers un avenir radieux" une sorte de longue bande-annonce un peu poussive pour une rétrospective morettienne, qui incite à regarder non seulement dans le rétroviseur de l'Histoire (et si?) mais aussi dans celui de la filmographie morettienne composite et bigarrée.
Force est de constater que le Michele Apicella des débuts suivi de ses divers avatars n'a rien perdu de son côté "mauvais coucheur" et personnage poil à gratter. Aujourd'hui on dirait que c'est un troll, tempêtant pendant des heures à propos d'un détail hirsute (son actrice porte des mules à talons, une aberration!) ou faisant un scandale au beau milieu du tournage d'un nanar produit par sa femme (dont le côté série Z rappelle les scènes hilarantes de parodie qui ouvrent "Le Caïman").
Le comique du souverain pontifiant qu'est le personnage morettien prête toujours à rire : le diable se niche dans les détails et tel un diable sortant sans coup férir de sa boîte, notre histrion ronchon est prêt à tempêter à la moindre.
Mais la verve et le panache se sont un peu taries, l'âge aidant. Là où les scènes chantées et dansées s'inséraient toujours avec un sens du tempo et du contrepoint (telle la merveilleuse scène de fin de "La Chambre du fils"), elles ne font guère ici davantage office que de bouche-trou, d'intermède sympathique posé ici ou là. De merveilleux metteur en abyme qu'il fut, Moretti semble ici embarrassé de la matière composite de son film (vie privée, tournage, scènes du film en train de se tourner...) à laquelle il peine à donner souffle, ampleur et émotion. Les tribulations conjugales et professionnelles de son personnage se regardent toujours sans déplaisir, et prêtent même souvent à rire mais ce qui émeut le plus dans "Vers un avenir radieux" confine davantage au geste en tant que tel que dans le film tel qu'il se déploie. Moretti y semble se mettre encore davantage à nu que dans ses précédents films et semble donner un dernier coup de boutoir, tempéré par l'amour du conditionnel et de l'imagination rétrospective (et si le PCI avait affirmé sa dissidence vis à vis de l'URSS à la suite de l'invasion des chars soviétiques en Hongrie en 1956?), à ce monde qu'il déteste cordialement, à l'omnipotence de Netflix qui calibre toutes les productions (190 paese!).
Dernières exaspérations et irritations compilées dans un film qui ressemble à un chant du cygne ou plutôt à celui d'un vilain petit canard "per sempre" sombre et autarcique? Le défilé qui se veut galvanisant de la fin du film ainsi que l'au revoir esquissé par le cinéaste confinent-ils à un clap de fin de l'œuvre morettienne? A moins que cet adieu esquissé ne soit une répétition gestuelle du poignant "A domani" de "Mia Madre"? Le "A domani" des lendemains qui chantent malgré tout?
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