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Après François Ozon dans « Une nouvelle amie », c'est au tour de Pascal Thomas d'adapter à l'écran un roman de Ruth Rendell, « La maison du lys tigré ». Outre leur goût pour l'imagerie vintage et le travestissement allègre de la réalité, parfois au bord de la parodie, les deux cinéastes aiment également à faire des bonbonnières le décor privilégié de leurs comédies policières (Thomas) ou de leurs thrillers et mélos (Ozon). Dans « Une nouvelle amie », Ozon citait « Psychose » ; dans « Valentin Valentin », Thomas y va aussi de son petit clin d’œil à Hitchcock avec une spatialisation de l'intrigue qui fait écho à « Fenêtre sur cour ».

Si Valentin (Vincent Rottiers) n'est pas immobilisé dans un fauteuil comme James Stewart, il n'en ressent pas moins le besoin continuel de zieuter les allées et venues de l'immeuble d'en face. C'est qu'une jolie et mystérieuse chinoise, chaperonnée par une inflexible douairière, pique sa curiosité et l'attire irrésistiblement. On le comprend. Coincé entre une maîtresse envahissante et nymphomane (Marie Gillain, qui s'amuse) et les mises en garde musclées de son jaloux de mari (Louis-Do de Lencquesaing), Valentin, innocent bourreau des cœurs, est par surcroît au centre des passions. Sur son passage, toutes les jeunes filles de l'immeuble et, en particulier Elodie (Marilou Berry), se pâment. Son rayon d'aimantation s'étend jusqu'à sa plantureuse concierge et femme de ménage (Christine Citti), toujours prête à dégainer ses gironds appâts pour le séduire.

Dans cet immeuble au foisonnement digne de celui du roman de Perec, « La vie mode d'emploi », fourmille une kyrielle de personnages assaisonnés : une épave alcoolique (Géraldine Chaplin), une sophrologue en quête de bonnes ondes et d'amour (Isabelle Candelier), un pédophile latent (François Morel) davantage porté sur les lolitas graciles que sur les rondeurs de sa concierge de femme et les deux jeunes colocataires d'Elodie, une rouquine en mal d'argent (Agathe Bonitzer) et une jeune peintre qui pousse la chansonnette à ses heures (Victoria Lafaurie). Après sa trilogie inspirée d'Agatha Christie (Mon petit doigt m'a dit, Le crime est notre affaire, Associés contre le crime), Pascal Thomas renoue avec la veine de L'heure zéro, celle de l'intrigue policière à huis-clos. Le film s'ouvre sur une scène de crime : le corps sans vie du chéri de ces dames est retrouvé dans le jardin public voisin. Sa destinée funeste nous est contée par un observateur discret, habitant l'immeuble d'en face (Christian Vadim).

De la comédie la plus ostentatoire avec sa typologie de personnages outrancière à l'excès, le film vire peu à peu vers la noirceur, à mesure que les passions s’exacerbent autour de Valentin. A trop jouer la carte de la caricature qui réduit les personnages à un ballet de pantins s'agitant au gré de situations simplettes et convenues (l'esclandre du mari trompé au beau milieu de la crémaillère de Valentin), ceux-ci ne parviennent pas à gagner en épaisseur sur le versant sombre du film dont la visée ultime est de dresser un tableau désolant de nos solitudes urbaines contemporaines, exercice dans lequel Pierre Salvadori avec « Dans la cour » se montrait bien plus inspiré. Seule la cruelle ironie du sort que fait ressortir la résolution de l'intrigue suscite a posteriori un regain d'intérêt pour ce film qui peine à dissimuler la platitude de ses ressorts sous les dehors les plus racoleurs de la comédie franchouillarde.

Le seul personnage qui suscite réellement l'intérêt est Valentin, obscur objet du désir, victime sacrificielle des passions qu'il cristallise bien malgré lui, sans même paraître s'en rendre compte. Habitué aux rôles rugueux, Vincent Rottiers (le seul qui ait un rôle à contre-emploi) compose un Valentin d'autant plus opaque qu'il est effacé. S'il est parfois plaisant de voir les acteurs s'amuser dans leurs emplois coutumiers (Arielle Dombasle en immarcescible péronnelle perchée, Louis-Do de Lencquesaing en salaud notoire, Marilou Berry en amoureuse infortunée), leurs petits numéros anecdotiques font tapisserie. On retiendra seulement la scène où Géraldine Chaplin, ivre morte, part d'un fou rire à la lecture de « De l'inconvénient d'être né » de Cioran et les rares finesses du film, faites de saillies littéraires.

Film d'immeuble pataud bien que doté d'une belle architecture (le scénario et son enchevêtrement d'intrigues est plutôt bien ficelé), « Valentin Valentin » dessine en creux un autre immeuble, celui du cinéma français avec ses fondations (les dynasties Deneuve représentée par Christian Vadim, Chaplin et Balasko-Berry), ses nouveaux occupants ( Agathe Bonitzer), ses acteurs estampillés film d'auteur qui rejoignent les fleurons d'un cinéma plus populaire . Un microcosme hétéroclite et joyeux dont Pascal Thomas ne fait malheureusement que sous-exploiter les possibles.

Copyright Allociné

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Tag(s) : #comédie policière

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